LeRoi se meurt, E. Ionesco, 1962, tirade finale de la reine Marguerite et didascalies de clĂŽture de la scĂšne (« Folio », p.135-137) MARGUERITE : Il perçoit encore les couleurs. Des souvenirs colorĂ©s. [La Voix d’Antony est un essai biographique que JĂ©rĂŽme Solal a consacrĂ© au chanteur d’Antony and the Johnsons, groupe issu de la scĂšne indĂ©pendante new-yorkaise. À partir de 2005, la voix trĂšs particuliĂšre d’Antony et sa posture affirmĂ©e de chanteur transgenre s’imposent et font de lui une icĂŽne de la musique populaire. La Voix d’Antony revient sur le parcours d’ensemble du chanteur et tente de comprendre ce qui fait sa singularitĂ©. Quinze ans avant la sortie en 2010 du dernier album du groupe, Swanlights, Antony rĂ©alise son premier enregistrement, une maquette de cinq titres intitulĂ©e Behold The Lamb Of God. À l’époque, les Johnsons n’existent pas encore, Antony adopte une double identitĂ© en empruntant les traits d’un alter ego fĂ©minin, Fiona Blue. La premiĂšre chanson de la maquette, River Of Sorrow », dĂ©finit les fondements de son univers musical. Quant Ă  la derniĂšre, Love Letters », elle a Ă©tĂ© interprĂ©tĂ©e dans le passĂ© par Elvis Presley cette coĂŻncidence est ici l’occasion d’un bref rapprochement entre deux chanteurs d’exception que tout semble par ailleurs opposer.] River Of Sorrow » rend donc hommage Ă  Marsha P. Johnson, drag-queen noire, activiste transgenre Ă  l’origine des Ă©meutes de Stonewall Ă  New York en juin 1969 – la Gay Pride naĂźt en juin 1971 en rappel de ces Ă©vĂ©nements. Le 6 juillet 1992, on le retrouve noyĂ© dans l’Hudson, dans des circonstances suspectes qui ne seront pas Ă©lucidĂ©es. À travers l’évocation de cette figure, la chanson affirme pour longtemps des valeurs black and female are beautiful et prĂ©figure les annĂ©es Ă  venir les Johnsons lui doivent pour une part leur nom. Elle pose une fois pour toutes les fondements de l’esthĂ©tique et de l’éthique d’Antony, performer transgenre et nĂšgre blanc avant d’ĂȘtre chanteur. Cela posĂ©, Antony va porter l’ambivalence Ă  un haut degrĂ© de loyautĂ©. Une telle ambivalence ne s’accordera ni moyen terme ni rĂ©solution. La vĂ©ritĂ© est Ă  double face, elle ne se fixe pas, elle oscille et s’affole, toujours en quĂȘte d’elle-mĂȘme. Antony Avec Love Letters », dernier des cinq titres de Behold The Lamb Of God, enregistrĂ© live sur une scĂšne trĂšs enfumĂ©e, Antony se branche sur Canal Elvis, il bricole un fragment de Graceland sommaire et inverti. Laurie Anderson l’a dit Écouter la voix d’Antony, c’est comme entendre Elvis pour la premiĂšre fois en deux mots il vous brise le cƓur ». Elvis et Antony, deux crooners qui chantent la messe, leur messe Ă  eux, entre les lignes de l’entertainement et de la drag attitude. Elvis et Antony, deux divas en dette de l’ñme noire, en costume blanc Ă  franges constellĂ© ou en toge arty. Deux doux colosses qui sans leur voix seraient irrĂ©mĂ©diablement perdus pour le monde tel qu’il est. Elvis et Antony, couple royal Ă  distance le Roi et la Reine. À y regarder de prĂšs, on peut se demander si Presley et Hegarty ne bouclent pas la boucle leurs trajectoires semblent dessiner l’alpha et l’omĂ©ga du rock, sa GenĂšse et sa RĂ©vĂ©lation, le dĂ©but du genre et la fin des genres. Le pionnier blanc chante et se dĂ©hanche comme un noir, il invente le rock comme un synonyme au mot jeunesse et fait valider son brevet par les foules du monde entier ; l’ange noir transgresse les lois du rock sexuĂ© et le diktat des guitares phalliques, il exhorte Ă  une vaste fĂȘte trans trans-sexuelle, trans-musicale, trans-gĂ©nĂ©rationnelle. Dans la trajectoire du rock, le premier pas assurĂ©ment, et le dernier, peut-ĂȘtre avant d’autres paramĂ©trages. Le bond en avant et le passage au-delĂ . Faire-part de naissance et avis de dĂ©cĂšs. Deux immenses voix, deux immenses corps qui, avec innocence ou mĂ©lancolie, prennent leur Ă©poque de vitesse Elvis trop rapide, Antony trop lent et modĂšlent un imaginaire Ă  partir de l’AmĂ©rique comme point d’appui Elvis live n’en est jamais sorti ou comme modĂšle repoussoir Antony s’en isole au cƓur mĂȘme de l’empire, Ă  New York. Un fondateur fougueux et un passeur de Styx. [
] Les lettres d’amour, le chanteur ne va plus cesser d’en envoyer du fond de son terrier en friches ou du haut de son ciel Ă©toilĂ©. Il n’est pas de gratitude Ă  avoir Ă  l’égard de ce qui ne pouvait se passer autrement. Les actions s’enchaĂźnent, le processus obĂ©it Ă  des lois certaines. C’est ainsi et voilĂ  tout. Antony habite ici-bas, sa rĂ©sidence se situe sur terre, voire sous terre dans l’allĂ©geance Ă  une sub-culture qui s’extĂ©nue les volets clos. Il ne s’élĂšve tout lĂ -haut que lorsqu’il chante. Mais c’est toujours de ce coin de libertĂ© altiĂšre que semblent provenir ses missives les plus amoureuses, c’est lorsqu’il est montĂ© au plus haut que ce maĂźtre de l’évasion frappe en plein cƓur. Alors qu’il sent qu’on ne saura plus le rattraper, il revient, il descend, se pose de lui-mĂȘme, reconnaĂźt son prochain et s’envole Ă  nouveau. Liens Ecouter une chanson de Antony and the Johnsons. de La Voix d’Antony de JĂ©rĂŽme Solal, Ă©d. Le Mot et le Reste, collection Formes », 2011, p. 34-35]
Portraitde la reine Nzinga/Njinga. Fille du roi Kiluanji et de la reine Kangela. Soeur de Mbandi, Kifunji et Mukambu. Elle fut reine du royaume de Ndongo et du royaume de Matamba dans l’actuel Angola. Elle a Ă©tĂ© une figure clĂ© dans l’histoire de la
> Jehanne la Pucelle et le roi Charles VII - Anecdote 4 juin 2007 0904, par Jean-Pierre Bernard Bonjour GĂ©rard. Tout d’abord, je veux vous remercier de l’intĂ©rĂȘt portĂ© aux articles que je propose sur ce site. Pour vous rĂ©pondre, je dis tout d’abord que non je ne voulais pas Ă©crire l’inverse ! Je dis bien que Jehanne est appelĂ©e Ă  tort "Jeanne d’Arc" ! Car elle n’est pas citĂ©e sous ce nom dans les textes et publications anciennes que l’on peut rencontrer, mais toujours sous "Jehanne" ou "Jehanne la Pucelle". MĂȘme lorsque Charles VII lui octroie son brevet lui attribuant son blason et ses armes elle est citĂ©e sous ce nom. Pourtant, si elle s’était appelĂ©e d’Arc, cela aurait Ă©tĂ© le moment de le dire ! L’appelation "la Pucelle" pourrait se traduire par "demoiselle". Cela n’impliquait pas une virginitĂ©, mais simplement qu’elle n’était pas mariĂ©e. Plus tard, lorsqu’elle rĂ©apparaĂźtra que l’on soit partisan ou non de sa survie on prĂ©cisera "Jehanne des Armoises" ou "la dame des Armoises" et pas d’Arc. Je ne donne pas de renseignements contraires dans le passage que vous citez, lorsque je dis que "les d’Arc ont Ă©levĂ© cinq enfants"... je dis "Ă©levĂ© cinq enfants", mais je ne dis pas qu’ils ont eu cinq enfants "issus d’eux" ! C’est Ă©tabli que Jacques ou Jaquot "d’Ars" et Isabelle de Vouthon, dite "RomĂ©e" ont Ă©levĂ© cette petite fille qui sera vouĂ©e Ă  un destin hors du commun. Ils l’ont Ă©levĂ©e, oui, mais cela n’enlĂšve rien Ă  l’hypothĂšse qu’elle aurait Ă©tĂ© une fille de la reine Isabeau de BaviĂšre et du duc Louis d’OrlĂ©ans, son beau-frĂšre. Dans ses procĂšs condamnation et rĂ©habilitation on ne la nomme pas "d’Arc" non plus, mais seulement Jehanne. Quoi qu’il en soit, c’était une fille exceptionnelle, et c’est elle qui a initiĂ© le grand mouvement de reconquĂȘte du royaume par le roi Charles VII, qui ne l’a d’ailleurs pas aidĂ©e lorsqu’elle a voulu continuer le combat, alors qu’il voulait des voies diplomatiques plutĂŽt, et l’a alors "laissĂ© tomber". Pour revenir au nom, il faut prĂ©ciser aussi que les patronymes n’étaient pas encore vraiment fixĂ©s Ă  cette Ă©poque. Les filles prenaient parfois le nom de leur mĂšre et pas de leur pĂšre. Les gens avaient un prĂ©nom, et un sobriquet ou une particularitĂ© physique ou autre mĂ©tier... s’y ajoutait. Par exemple Pierre le Roux couleur des cheveux, mais le fils pouvait se nommer Jean le MaĂźtre s’il Ă©tait par exemple maĂźtre artisan. Les "frĂšres" de Jehanne, du moins Jehan et Pierre, se nommĂšrent ensuite "du Lis", et un descendant ou collatĂ©ral de cette famille prendra mĂȘme le nom de "de la Pucelle", pour marquer son appartenance avec cette famille. A ses procĂšs, Jehanne dira elle-mĂȘme que dans son pays on la connaissait sous le nom de "Jehannette". Si elle s’était appelĂ©e "d’Arc", elle l’aurait au moins prĂ©cisĂ©e Ă  ce moment-lĂ . Certains historiens "non officiels" prĂ©cisent mĂȘme que si elle est dite parfois "la Pucelle d’OrlĂ©ans" dans certains textes, c’est qu’elle Ă©tait "une demoiselle de la famille d’OrlĂ©ans", non parce qu’elle avait dĂ©livrĂ© la ville d’OrlĂ©ans, mais parce qu’elle appartenait effectivement Ă  cette famille d’OrlĂ©ans, famille du roi de France, dont l’un des fils Ă©tait titulaire du duchĂ© d’OrlĂ©ans. VoilĂ  pour aujourd’hui ce que je peux dire, en espĂ©rant vous avoir quelque peu satisfait sur ce sujet. Cordialement. Jean-Pierre BernardRĂ©pondre Ă  ce message
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Les portraits du roi du Bhoutan Jigme Khesar Namgyel Wangchuck et de son Ă©pouse la reine Jetsun Pema diffusĂ©s le 13 octobre 2021 pour leurs 10 ans de mariage © Nunn Syndication / News Pictures 15/10/2021 Ă  1645, Mis Ă  jour le 15/10/2021 Ă  1657 Le roi du Bhoutan Jigme Khesar Namgyel Wangchuck et la reine Jetsun Pema ont pris la pose pour deux nouveaux portraits Ă  l’occasion de leur 10e anniversaire de mariage. TĂȘte contre tĂȘte, enlacĂ©s et souriants. C’est l’image d’un couple toujours aussi amoureux que le roi du Bhoutan Jigme Khesar Namgyel Wangchuck et la reine Jetsun Pema ont choisi de montrer sur leurs deux portraits diffusĂ©s sur les rĂ©seaux sociaux ce mercredi 13 octobre 2021, Ă  l’occasion de leur 10e anniversaire de mariage. En lĂ©gende de ces photos du souverain et son Ă©pouse, aujourd’hui parents de deux petits princes , on peut lire Il y a dix ans, le peuple du Bhoutan a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© Ă  sa nouvelle reine. Au fil des ans, la nation s'est rĂ©unie dans la cĂ©lĂ©bration ainsi que dans les moments difficiles, toujours guidĂ©e et inspirĂ©e par notre Roi et notre Reine. Alors que la pandĂ©mie a changĂ© le monde, le Bhoutan a beaucoup de raisons d’espĂ©rer. Plus que jamais, nous sommes reconnaissants d'avoir notre Roi et notre Reine pour Ă©clairer notre chemin. Nous savons ce que signifie la compassion sans fin, car notre Roi et notre Reine l'incarnent». Le texte se conclut ainsi En ce jour chĂ©ri, le 10e anniversaire du Mariage Royal, nous saisissons l'occasion pour remercier les protecteurs du Bhoutan, d'avoir bĂ©ni cette terre avec un Roi et une Reine dont la bienveillance et le service ne connaissent pas de parallĂšle». La suite aprĂšs cette publicitĂ© Le jeune roi du Bhoutan a choisi de ne pas ĂȘtre polygameLe 13 octobre 2011, le roi du Bhoutan Jigme Khesar Namgyel Wangchuck Ă©pousait Ă  l’ñge de 31 ans la ravissante Jetsun Pema, une roturiĂšre de 10 ans sa cadette. Le jour de la cĂ©rĂ©monie de leur mariage, il posait sur sa tĂȘte une couronne de brocart de soie, faisant d’elle la nouvelle reine consort de ce petit royaume de l’Himalaya, confinĂ© entre le Tibet et l’Inde Ă  deux pas du NĂ©pal. Avant leurs noces, le jeune monarque avait fait savoir qu’il choisissait de n’avoir qu’une seule Ă©pouse, contrairement Ă  la tradition ancestrale du pays. Son pĂšre lui-mĂȘme, l’ancien roi Jigme Singye Wangchuck, Ă©tait polygame, s’étant mariĂ© avec quatre sƓurs . Puis, le jour J., il avait aussi rompu avec les usages des Bhoutanais de ne pas afficher en public le sentiment amoureux en embrassant la jeune mariĂ©e aux yeux de tous et en lui tenant la main Ă  plusieurs reprises. S’ils ne cachaient rien de leur amour Ă  l’époque, il en est donc toujours de mĂȘme aujourd’hui. La suite aprĂšs cette publicitĂ© A voir en 40 photos Au mariage du Roi dragon et de la belle Jetsun Pema, il y a 10 ans Contenus sponsorisĂ©s VoilĂ le roi et la reine, stars de mon roman graphique historique : le dernier des soldats. Philippe Le Bel et reine Jeanne de Navarre. Quiconque voudra savoir les premiers commencements du roi Henri IV, le roi Bourbon remplaçant les Valois sur le trĂŽne des rois de France, aura grand soin de s’enquĂ©rir des destinĂ©es de sa sƓur Catherine, et de sa premiĂšre Ă©pouse, Marguerite. Elles ont chĂšrement payĂ© l’une et l’autre l’honneur d’appartenir de si prĂšs au conquĂ©rant du sien. Heureusement l’histoire de Catherine, une hĂ©roĂŻne, un grand courage, une vertu, n’est plus Ă  faire ; il n’y a pas longtemps que Mme la comtesse d’ArmaillĂ© racontait cette vie austĂšre et charmante Ă  la façon d’un grand Ă©crivain tout rempli de son sujet. Catherine de Navarre, obĂ©issant au roi son frĂšre, a poussĂ© le dĂ©vouement fraternel jusqu’à sa limite extrĂȘme ; oublieuse d’elle-mĂȘme et de sa fortune, elle eĂ»t tout sacrifiĂ© au roi Henri, sa conscience et sa croyance exceptĂ©es. Et lorsque, enfin, par tant de victoires, de conquĂȘtes et d’accidents imprĂ©vus, le roi de Navarre est devenu le roi de France, quand il est le maĂźtre absolu dans Paris, sa grand’ville, au moment oĂč la princesse Catherine, mariĂ©e au duc de Bar, s’est consolĂ©e enfin de n’avoir pas disposĂ© de sa main selon son cƓur, elle meurt, obscure et cachĂ©e, et son frĂšre ingrat s’occupe Ă  peine d’élever un tombeau Ă  cette admirable servante de ses ineffables grandeurs. La princesse Marguerite, la premiĂšre femme du roi de Navarre, offre un contraste complet avec la princesse Catherine. Elle a tout l’orgueil de la maison de Valois ; elle est superbe, intelligente, et pour peu que son Ă©poux le BĂ©arnais eĂ»t voulu tirer un bon parti de cette associĂ©e Ă  sa fortune, il eĂ»t rencontrĂ© prĂšs d’elle une consolation, un bon conseil, une illustre et digne assistance. Mais quoi ! le roi protestant se mĂ©fiait de la catholique maison de Valois ! Jeune homme, il en avait subi trop de violences et trop d’injures pour n’en point faire porter le ressentiment Ă  sa jeune et charmante Ă©pouse. Il ne pouvait guĂšre oublier que son nom Ă©tait inscrit sur la liste rouge de la Saint-BarthĂ©lĂ©my ; ce papier rouge disait qu’il fallait tout d’abord arracher les racines du protestantisme, Ă  savoir le roi de Navarre, le prince de CondĂ©, l’amiral de Coligny. Si donc Charles IX et Catherine de MĂ©dicis effacĂšrent de leur liste fatale le nom de leur gendre et beau-frĂšre, ce fut par une espĂšce de miracle. Ainsi l’on trouverait difficilement dans toute l’histoire un mariage conclu sous de plus tristes auspices. Mal commencĂ©, il a fini par un divorce. Mais, ceci dit, on ne peut s’empĂȘcher d’arrĂȘter un regard clĂ©ment et charmĂ© sur les grĂąces infinies de cette aimable et parfaite beautĂ©, la reine de Navarre, et, chaque fois que nous la rencontrons dans les sentiers de l’histoire, volontiers nous contemplons cette Ă©loquente et belle princesse, ornement de la brillante cour oĂč fut Ă©levĂ©e la reine d’Écosse, Marie Stuart, et qui se ressentait encore des beaux-arts, de la poĂ©sie et des splendeurs du rĂšgne de François Ier. En traversant Paris, le vainqueur de LĂ©pante, don Juan d’Autriche, s’étant introduit au Louvre, en plein bal, et voyant passer la reine de Navarre au bras de son frĂšre le roi de France — On a tort, disait don Juan, de l’appeler une reine, elle est dĂ©esse, et trop heureux serait le soldat qui mourrait sous sa banniĂšre, pour la servir ! — Qui n’a pas vu la reine de Navarre, celui-lĂ  n’a pas vu le Louvre ! s’écriait le prince de Salerne. Et les ambassadeurs polonais, quand la jeune reine les eut haranguĂ©s, dans ce beau latin qu’elle parlait si bien, Ă  la grande honte de tous ces gentilshommes français qui ne savaient pas un seul mot de latin, en leur qualitĂ© de nobles — Nous nous sommes trompĂ©s, disaient-ils, c’est bien cette belle tĂȘte-lĂ  qui Ă©tait faite pour porter notre couronne ! Elle Ă©tait l’enchantement du Louvre et l’honneur de ses fĂȘtes ; quand elle s’en fut en Navarre, au royaume de son mari, elle Ă©clipsa soudain la princesse Catherine, et ce peuple, assez pauvre et vivant de peu, ne pouvait se lasser de contempler les magnificences de sa reine, en robe de toile d’argent, aux manches pendantes, et si richement coiffĂ©e avec des diamants et des perles, qu’on l’eĂ»t prise pour la reine du ciel. Elle inventait les modes que portaient toutes les reines de l’Europe ; elle portait des robes en velours incarnat d’Espagne et des bonnets tout fins ornĂ©s de pierreries, et c’était une fĂȘte de la voir, ornĂ©e de ses cheveux naturels, avec ses belles Ă©paules, son beau visage blanc, d’une blanche sĂ©rĂ©nitĂ©, la taille haute et superbe, et portant sans fatigue et sans peine le plus beau drap d’or frisĂ© et brodĂ©, d’une grĂące altiĂšre et douce Ă  l a fois. » Quand elle passait dans les villes, les plus grands de la citĂ© se pressaient autour d’elle pour entendre parler sa bouche d’or ; Ă  chaque harangue, elle rĂ©pondait par une parole improvisĂ©e, et chacun restait charmĂ© de sa courtoisie. Mais le Louvre Ă©tait sa vraie patrie, et, dans les premiers jours de son mariage, il n’y avait pas de plus beau spectacle que de voir le jeune roi de Navarre donnant le signal de la fĂȘte et dansant la Pavanne d’Espagne, danse oĂč la belle grĂące et majestĂ© sont une belle reprĂ©sentation ; mais les yeux de toute la salle ne se pouvoient saouler, ny assez se ravir par une si agrĂ©able veue ; car les passages y estoient si bien dansez, les pas si sagement conduits, et les arrests faits de si belle sorte, qu’on ne sçauroit que plus admirer, ou la belle façon de danser, ou la majestĂ© de s’arrester, reprĂ©senter maintenant une gayetĂ©, et maintenant un beau et grave desdain car il n’y a nul qui ne les ait veus en cette danse, que ne die ne l’avoir veue danser jamais si bien, et de si belle grace et majestĂ© qu’à ce roy frĂšre, et qu’à cette reyne sƓur ; et quant Ă  moy, je suis de telle opinion, et si l’ay veue danser aux reynes d’Espagne et d’Ecosse. » Qui parle ainsi ? BrantĂŽme, un homme d’armes ami des grands capitaines. On peut l’en croire, quand il parle des dames de la cour de France ! Il les connaĂźt bien, il les montre Ă  merveille ; il applaudit Ă  leur faveur ; il ne se gĂȘne point pour pleurer sur leurs disgrĂąces. A cĂŽtĂ© de BrantĂŽme il y avait, pour cĂ©lĂ©brer la reine de Navarre, un poĂšte, un grand poĂšte appelĂ© Ronsard, l’ami de Joachim Dubellay. Le grand Ronsard, comme on disait sous le rĂšgne de Henri IV ! Et quand Ronsard et BrantĂŽme, Ă©clairĂ©s des mĂȘmes beautĂ©s, se rencontraient, ils cĂ©lĂ©braient Ă  l’envi Madame Marguerite Il fault aller contenter L’oreille de Marguerite, Et dans son palais chanter Quel honneur elle mĂ©rite. Et c’était, du poĂšte au capitaine, Ă  qui mieux mieux chanterait la dame souveraine. Aux vers de Ronsard applaudissaient tous les beaux esprits et tous les grands seigneurs de son temps le cardinal de Lorraine, le duc d’Enghien, le seigneur de Carnavalet, Guy de Chabot, seigneur de Jarnac. Pendant vingt ans, sur la guitare et sur le luth, les jeunes gens, les pages, les demoiselles, le marchand dans sa boutique et le magistrat dans sa maison ont chantĂ© la chanson de Marguerite En mon cƓur n’est point Ă©crite La rose, ny autre fleur, C’est toi, belle Margarite, Par qui j’ai cette couleur. N’es-tu pas celle dont les yeus Ont surpris Par un regard gracieus Mes esprits ? II. Cette aimable reine, habile autant que femme du monde, et bien digne d’avoir partagĂ© la nourriture et l’éducation de la reine d’Écosse et de la reine d’Espagne, Elisabeth de Valois, la seconde femme de Philippe II, avait Ă©crit, dans les heures sombres de sa vie, au moment oĂč la plus belle enfin se rend justice, un cahier contenant les souvenirs de sa jeunesse. Il n’y a rien de plus rare et de plus charmant que ces mĂ©moires parmi les livres sincĂšres sortis de la main d’une femme. Le style en est trĂšs vif, l’accent en est trĂšs vrai. Le premier souvenir de la jeune princesse est d’avoir accompagnĂ© Ă  Bayonne sa sƓur, la reine d’Espagne, que la reine mĂšre et le roi Charles IX conduisaient par la main au terrible Philippe II. La princesse Marguerite Ă©tait encore une enfant, mais elle se rappelle en ses moindres dĂ©tails le festin des fiançailles. Dans un grand prĂ© entourĂ© d’une haute futaie, une douzaine de tables Ă©taient servies par des bergĂšres habillĂ©es de toile d’or et de satin, selon les habits divers de toutes les provinces de France. Elles arrivaient de Bayonne sur de grands bateaux, accompagnĂ©es de la musique des dieux marins, et, chaque troupe Ă©tant Ă  sa place, les Poitevines dansĂšrent avec la cornemuse, les Provençales avec les cymbales, les Bourguignonnes et les Champenoises dansĂšrent avec accompagnement de hautbois, de violes et de tambourins ; les Bretonnes dansaient les passe-pied et les branles de leur province. D’abord tout alla le mieux du monde ; une grande pluie arrĂȘta soudain toute la fĂȘte. Au retour de ce beau voyage, la jeune princesse Marguerite s’en fut rejoindre au Plessis-les-Tours la ville favorite du roi Louis XI son frĂšre le duc d’Anjou, qui dĂ©jĂ , Ă  seize ans, avait gagnĂ© deux batailles. Il Ă©tait, Ă©videmment, le favori de la reine mĂšre et dĂ©jĂ  trĂšs ambitieux. Il choisit pour confidente sa sƓur Marguerite Oui-da, lui dit-elle, et comptez, Monsieur mon frĂšre, que moy estant auprĂšs de la royne ma mĂšre, vous y serez vous-mesme et que je n’y serai que pour vous ! » Ainsi, dĂ©jĂ  si jeune, elle entrait, par la faveur de la reine mĂšre et par la confiance de son frĂšre, dans les secrets de l’État. BientĂŽt les ambassadeurs se prĂ©sentĂšrent pour solliciter la main de la jeune princesse. Il en vint de la part de M. de Guise, il en vint au nom du roi de Portugal, enfin le nom du prince de Navarre fut prononcĂ©. Ce dernier mariage Ă©tait dans les volontĂ©s de Catherine de MĂ©dicis. La veille de ce grand jour, le roi de Navarre avait perdu la reine sa mĂšre, il en portait le deuil, et il vint au Louvre, accompagnĂ© de huit cents gentilshommes, vĂȘtus de noir, demander au roi de France la main de sa sƓur Marguerite. Ils furent fiancĂ©s ce mĂȘme soir, et, huit jours aprĂšs, ces BĂ©arnais, vĂȘtus de leurs plus riches habits, menĂšrent Ă  l’autel de Notre-Dame de Paris la jeune reine, habillĂ©e Ă  la royale, toute brillante des pierreries de la couronne, et le grand manteau bleu, Ă  quatre aunes de queue, portĂ© par trois princesses. Toute la ville Ă©tait en fĂȘte et se tenait sur des Ă©chafauds dressĂ©s de l’évĂȘchĂ© Ă  Notre-Dame, et parĂ©s de drap d’or. A la porte de l’église, le cardinal de Bourbon c’est ce mĂȘme cardinal de Bourbon que la Ligue a fait roi un instant sous le nom de Charles X attendait les deux Ă©poux. Qui l’eĂ»t dit cependant que tant de joie et de magnificences allaient aboutir, en si peu d’heures, au crime abominable de la Saint-BarthĂ©lĂ©my ? Les protestants Ă©taient devenus le grand souci de la reine Catherine de MĂ©dicis et du roi Charles IX ; ils Ă©taient nombreux, hardis, bien commandĂ©s, hostiles aux catholiques, et leur perte, en un clin d’oeil, fut dĂ©cidĂ©e. Honte Ă  jamais sur cette nuit fatale, oĂč le bruit du tocsin de Saint-Germain-l’Auxerrois, les plaintes des mourants, le sang des morts, les cris des Ă©gorgeurs remplirent la ville et le Louvre des rois de dĂ©sordre et de confusion ! Tout fut cruautĂ©, perfidie, embĂ»ches impitoyables ! La jeune reine, ignorante de ces trames dans lesquelles devaient tomber les amis, les partisans, les compagnons du roi de Navarre son mari, apprit seulement par le bruit du tocsin ces meurtres et ces vengeances qui la touchaient de si prĂšs. Elle avait passĂ© sa soirĂ©e Ă  causer de choses indiffĂ©rentes avec la reine mĂšre et le roi, bourreau de son peuple, sans rencontrer dans leur regard un avertissement, une pitiĂ©. Or, quand la reine mĂšre, au moment oĂč l’heure fatale allait sonner, commandait Ă  sa fille qu’elle eĂ»t Ă  rejoindre son mari dans sa chambre... Ă©videmment elle l’envoyait Ă  la mort. — N’y allez pas, ma sƓur, lui disait sa plus jeune sƓur, ou vous ĂȘtes perdue ! — Il le faut, rĂ©pondit la reine mĂšre ; allez, ma fille. Et moi, je m’en allay, toute transie et esperdue, sans me pouvoir imaginer ce que j’avois Ă  cr aindre. » Ah ! quel drame, et comment Ă©tait faite l’ñme de Catherine de MĂ©dicis ! A peine endormis, dans une sĂ©curitĂ© profonde, les jeunes Ă©poux entendent frapper Ă  leur porte avec ces cris Navarre ! Navarre ! » Un malheureux gentilhomme du BĂ©arn qui avait suivi le roi Ă  Paris, M. de TĂ©gean, percĂ© d’un coup de hallebarde le massacre Ă©tait commencĂ©, et poursuivi par les assassins qui le voulaient achever, enfonçait la porte de la chambre ; et comme le roi de Navarre s’était levĂ© au premier bruit du tocsin, pour s’informer des pĂ©rils qu’il pressentait, le malheureux gentilhomme, entourant la jeune reine de ses bras suppliants GrĂące et misĂ©ricorde ! ĂŽ Madame, protĂ©gez-moi ! » disait-il. Les meurtriers, sans respect pour la sƓur du roi catholique, achevĂšrent leur horrible tĂąche sous les yeux de Marguerite Ă©perdue, et le sang de M. de TĂ©gean souilla le lit royal. Croirait-on, cependant, que cette horrible nuit de la Saint-BarthĂ©lemy, la reine Marguerite la raconte, en ses mĂ©moires, avec aussi peu de souci que le dernier bal donnĂ© par le roi son frĂšre ! Ces grands crimes ont cela de particuliĂšrement abominable il faut ĂȘtre Ă  certaine distance pour en percevoir toute l’étendue, et pourtant, quelle que soit la concision de l’écrivain de ses propres MĂ©moires, la suite des Ă©vĂ©nements arrive, inĂ©vitable, et parfois d’autant plus pressante que l’historien aura mis moins de temps Ă  la prĂ©parer. Dans les premiers jours qui suivirent le terrible massacre, Henri de Navarre eut grand’peine Ă  sauvegarder sa propre vie. Il Ă©tait pour son beau-frĂšre un sujet d’inquiĂ©tude, un objet de haine pour sa belle-mĂšre. Ils se demandaient l’un l’autre, en toutes ces confusions, pourquoi ils avaient Ă©pargnĂ© le vĂ©ritable chef des protestants ? de quel droit ils le laissaient vivre ? Ils comprenaient qu’avant peu l’intrĂ©pide et vaillant capitaine Henri de Navarre deviendrait le vengeur de ses coreligionnaires, et leur pressentiment ne les trompait pas. Sur l’entrefaite, le roi Charles IX, tout couvert du sang de ses sujets, fut saisi, soudain, d’une maladie, incomparable et sans remĂšde. Il se mourait lentement, sous l’épouvante et le remords. Pas un moment de trĂȘve Ă  sa peine et pas un instant de sommeil, son Ăąme, Ă  la torture, Ă©tant aussi malade que son corps. En toute hĂąte, la reine Catherine de MĂ©dicis rappela son troisiĂšme fils, le duc d’Anjou, qui Ă©tait allĂ© en Pologne chercher une couronne Ă©phĂ©mĂšre. Et cependant, chaque jour ajoutait aux tortures du roi Charles IX. Il Ă©tait seul, en proie aux plus sombres pressentiments, cherchant Ă  comprendre, et ne comprenant pas que c’était le remords qui le tuait. Il meurt enfin, chargĂ© de l’exĂ©cration de tout un peuple, et le roi de Pologne accourt en toute hĂąte, Ă  la façon d’un criminel qui se sauve de sa geĂŽle. Il fut reçu Ă  bras ouverts par la reine mĂšre et par la jeune reine de Navarre, qui vint au-devant de lui, dans son carrosse dorĂ©, garni de velours jaune et d’un galon d’argent. Alors, les fĂȘtes recommencĂšrent ; on n’eĂ»t pas dit que la guerre civile Ă©tait au beau milieu de ce triste royaume. Le roi et les dames acceptaient toutes les invitations des chĂąteaux, des monastĂšres et mĂȘme des banquiers d’Italie. On allait, en grand appareil, par la Bourgogne et la Champagne, jusqu’à Reims, et, durant ces longs voyages, les plus beaux gentilshommes s’empressaient autour de la jeune reine, le roi de Navarre Ă©tant surveillĂ© de trĂšs prĂšs, sans crĂ©dit, sans autoritĂ©, et portant pĂ©niblement le joug de la reine mĂšre et les mĂ©pris du nouveau roi. ===III.=== La reine Marguerite a trĂšs bien racontĂ© comment le roi de Navarre a fini par Ă©chapper Ă  ses persĂ©cuteurs. Nous l’avons dit Il n’était pas sans crainte pour sa vie. Un soir, peu avant le souper du roi, le roi de Navarre, changeant de manteau, s’enveloppa dans une espĂšce de capuchon, et franchit les guichets du Louvre sans ĂȘtre reconnu. Il s’en fut Ă  pied jusqu’à la porte Saint-HonorĂ©, oĂč l’attendait un carrosse qui le conduisit jusqu’aux remparts. LĂ , il monta Ă  cheval, et, suivi de plusieurs des siens, le voilĂ  parti. Ce ne fut que sur les neuf heures, aprĂšs leur souper, que le roi et la reine s’avisĂšrent de son absence et le firent chercher par toutes les chambres. Évidemment, il n’était pas au Louvre ; on le cherche dans la ville, il n’était plus dans la ville. A la fin, le roi s’inquiĂšte et se fĂąche, et commande Ă  tous les princes et seigneurs de sa maison de monter Ă  cheval, et de ramener Henri de Navarre mort ou vif. Sur quoi, plusieurs de ces princes et seigneurs rĂ©pondent au roi que la commission Ă©tait dure, et quelques-uns, ayant fait mine de le chercher, s’en revinrent au point du jour. VoilĂ  la reine Marguerite en grand’peine de cet Ă©poux qui ne l’avait point avertie ; elle pleure et se lamente, et le roi son frĂšre menace de lui donner des gardes. Par vengeance, il rĂ©solut d’envoyer des hommes d’armes dans le chĂąteau de Torigny, avec l’ordre de s’emparer de la dame de Torigny, l’amie et la cousine de la reine Marguerite, et de la jeter dans la riviĂšre. Ces mĂ©crĂ©ants, sans autre forme de procĂšs, s’emparent du chĂąteau Ă  minuit. Ils mettent le manoir au pillage, et quand ils se sont bien gorgĂ©s de viande et de vins, ils lient cette misĂ©rable dame sur un cheval pour la jeter Ă  la riviĂšre... Deux cavaliers, amis de la reine Marguerite, passaient par lĂ  Ă  la mĂȘme heure, et voyant le traitement que subissait la dame de Torigny, ils la dĂ©livrent et la mĂšnent au roi de Navarre. A cette nouvelle, la colĂšre de la reine mĂšre et de son digne fils ne connaĂźt plus de bornes ; ils veulent que la reine Marguerite leur serve au moins d’otage, et la voilĂ  prisonniĂšre et seule, et pas un ami qui la console. Il y en eut un, cependant, ami dĂ©vouĂ© de la mauvaise fortune, un vrai chevalier, M. de Crillon, qui s’en vint, chaque jour, visiter la captive, et pas un des gardiens n’osa refuser le passage Ă  ce brave homme. Cependant le roi de Navarre avait regagnĂ© son royaume ; il attirait Ă  sa bonne mine, Ă  sa juste cause, un grand nombre de gentilshommes. Il retrouvait son petit trĂ©sor trĂšs grossi par l’épargne de sa sƓur Catherine ; et, comme chacun lui reprĂ©sentait qu’il eĂ»t bien fait d’amener avec lui la reine Marguerite, il lui Ă©crivit une belle lettre, dans laquelle il la rappelait de toutes ses forces, remettant sa cause entre ses mains, et dĂ©plorant sa captivitĂ©. Henri III s’obstinait ; mais la reine mĂšre eut compris bien vite que l’injustice dont elle accablait sa propre fille Ă©tait une grande faute. Elle m’envoya quĂ©rir, voua dira Marguerite en ses MĂ©moires, qu’elle avoit disposĂ© les choses d’une façon pacifique, et que si je faisais un bon accord entre le roi et le roi de Navarre, je la dĂ©livrerais d’un mortel ennui qui la possĂ©dait. A ces causes, elle me priait que l’injure que j’avois reçue ne me fit dĂ©sirer plutĂŽt la vengeance que la paix ; que le roi en Ă©toit marry, qu’elle l’en avait vu pleurer, et qu’ il me feroit telle satisfaction que j’en resterois contente. » Au mĂȘme instant, Henri III frappait Ă  la porte de la jeune reine, et lui demandait pardon, avec une infinitĂ© de belles paroles. Elle rĂ©pondit Ă  son frĂšre qu’elle avait dĂ©jĂ  oubliĂ© toutes ses peines, et qu’elle le remerciait de l’avoir plongĂ©e en cette solitude, oĂč elle avait compris les vanitĂ©s de la fortune. Cependant, quand elle demanda la permission d’aller rejoindre, en Navarre, le mari qui la rappelait, elle n’obtint que des refus, la reine et le roi lui remontrant que le roi de Navarre avait abjurĂ© la religion catholique, qu’il Ă©tait redevenu huguenot, et qu’il Ă©tait plus menaçant que jamais. C’était l’heure oĂč s’ouvraient les Ă©tats de Blois, oĂč les catholiques organisaient la suinte Ligue, oĂč le royaume Ă©tait en feu, oĂč plus que jamais les huguenots Ă©taient suspects. La guerre civile approchait ; on l’entendait venir de toutes parts, et plus les huguenots Ă©taient menacĂ©s, plus la reine de Navarre sollicitait la permission de rejoindre son mari. Ce fut le plus beau moment de sa vie, Ă  vrai dire ; elle Ă©tait Ă©loquente en raison de tant de menaces et de pĂ©rils Non, non, disait le roi de France, vous n’irez pas rejoindre un huguenot. J’ai rĂ©solu d’exterminer cette misĂ©rable religion qui nous fait tant de mal, et vous, qui ĂȘtes catholique et fille de France, je n’irai pas vous exposer aux vengeances de ces traĂźtres. » Plus il parlait, plus il menaçait, plus le danger Ă©tait grand d’une fuite Ă  travers la France, et plus la jeune reine Ă©tait rĂ©solue Ă  ne pas demeurer dans une cour oĂč le nom de son mari Ă©tait chargĂ© de tant de malĂ©dictions. Mais que faire et que devenir ? Comment Ă©chapper Ă  cette surveillance de tous les jours ? La jeune reine imagina de se faire commander, par les mĂ©decins, une saison aux eaux de Spa, et le roi, cette fois, consentit au dĂ©part de sa sƓur, par une arriĂšre-pensĂ©e qu’il avait d’ĂȘtre agrĂ©able aux Flamands et de reprendre en temps opportun les Flandres au roi d’Espagne. A cette ouverture, Henri de France fut Ă©bloui, et s’écria soudain O reine, ne cherchez plus ; il faut que vous alliez aux eaux de Spa. Vous direz que les mĂ©decins vous les ont ordonnĂ©es, qu’à cette heure la saison est propice, et que je vous ai commandĂ© d’y aller. Bien plus, la princesse de la Roche-sur-Yon m’a promis de vous accompagner. » VoilĂ  comment ce bon sire fut dupe de son ambition d’avoir les Flandres. La reine mĂšre, de son cĂŽtĂ©, ne vit, tout d’abord, que l’avantage de cette grande conquĂȘte et, sans soupçonner Ă  sa fille une arriĂšre-pensĂ©e, elle consentit Ă  son dĂ©part. Comme elle avait toujours en sa rĂ©serve politique un projet cachĂ©, elle fit prĂ©venir, par un courrier, le gouverneur des Flandres pour le roi d’Espagne, en demandant les passeports nĂ©cessaires pour ce long voyage. Or, le gouverneur des Flandres n’était rien moins que ce cĂ©lĂšbre, ce fameux don Juan d’Autriche, vainqueur Ă  LĂ©pante, et qui comptait parmi ses soldats ce vaillant et divin gĂ©nie appelĂ© Michel Cervantes. La reine mĂšre, en ce moment, se rappelait l’éblouissement de don Juan d’Autriche Ă  l’aspect de sa fille Marguerite, et comme, en plein Louvre, il l’avait comparĂ©e aux Ă©toiles, avec une ardeur toute castillane Allez, ma fille, et songez aux intĂ©rĂȘts de la France ! » disait la reine mĂšre, et dĂ©jĂ , dans sa pensĂ©e, elle voyait don Juan d’Autriche offrir Ă  la belle voyageuse au moins les domaines de l’évĂȘque de LiĂšge, dans lesquels murmuraient doucement ces belles eaux de Spa, salutaires fontaines encore inconnues, rĂ©servĂ©es Ă  une si grande cĂ©lĂ©britĂ©. Ainsi, pendant que la reine mĂšre et le roi s’en allaient Ă  Poitiers chercher l’armĂ©e de M. de Mayenne, afin de la conduire en Gascogne contre le roi de Navarre et les huguenots, la reine Marguerite allait, Ă  petites journĂ©es, dans ces Flandres qu’elle ne songeait guĂšre Ă  conquĂ©rir. Elle Ă©tait accompagnĂ©e en ce beau voyage de Mme princesse de la Roche-sur-Yon, de Mme de Tournon, sa dame d’honneur, de Mme de Mouy de Picardie, de Mme de Castelaine de Millon, de Mlle d’Atrie, de Mlle de Tournon, et de sept ou huit autres demoiselles des meilleures maisons. A cette suite royale s’étaient rĂ©unis M. le cardinal de Senoncourt, M. l’évĂȘque de Langres, M. de Mouy, enfin toute la maison de la reine, Ă  savoir le majordome et le premier maĂźtre d’hĂŽtel, les pages, les Ă©cuyers et les gentilshommes. La compagnie Ă©tait jeune, Ă©lĂ©gante ; elle faisait peu de chemin en un jour ; elle fut la bienvenue, et trouva toutes sortes de louanges sur son passage J’allois en une littiĂšre faite Ă  piliers doublez velours incarnadin d’Espagne en broderie d’or et de soye nuĂ©e Ă  devise. Cette littiĂšre Ă©toit toute titrĂ©e et les vitres toutes faites Ă  devise ; y ayant, ou Ă  la doublure ou aux vitres, quarante devises toutes diffĂ©rentes, avec les mots en espagnol, en italien, sur le soleil et ses effets ; laquelle Ă©toit suivie de la littiĂšre de Mme de la Roche-sur-Yon et de celle de Mme de Tournon, ma dame d’honneur, et de dix filles Ă  cheval avec leur gouvernante, et de six carrioles ou chariots, oĂč alloit le reste des dames et femmes d’elle et de moy. » Écoutez la belle voyageuse ; elle vous dira que tout cet appareil Ă©tait fait uniquement pour augmenter le respect des peuples et l’admiration de l’étranger. Cependant, les villes sur la chemin du cortĂšge avaient grand’peine Ă  donner une hospitalitĂ© convenable Ă  tant de princes, de princesses ou de seigneurs. Les campagnes Ă©taient ruinĂ©es de fond en comble, et le paysan, dans ses champs dĂ©vastĂ©s, voyant passer tant de splendeurs inutiles, se demandait s’il n’était pas le jouet d’un rĂȘve. ArrivĂ©e Ă  la frontiĂšre du CambrĂ©sis, la princesse errante trouva un gentilhomme que lui envoyait l’évĂȘque de Cambrai. Ce gentilhomme annonça que son maĂźtre allait venir, et l’évĂȘque, en effet, se montra, lui et sa suite, vĂȘtus comme des Flamands, et beaucoup plus Espagnols que Français. Que dis-je ? Ils se vantaient d’ĂȘtre les amis et les envoyĂ©s de ce mĂȘme don Juan d’Autriche, un des grands admirateurs de la princesse, avant qu’elle ne fĂ»t reine de Navarre. Du milieu des fĂȘtes du Louvre, et de tant d’intrigues de la cour des Valois, don Juan n’avait rapportĂ© que l’image et le souvenir de la reine Marguerite. A la nouvelle de son voyage, il Ă©tait accouru au-devant de la princesse, et il vint l’attendre aux portes de Cambrai, une grande citĂ© fortifiĂ©e, et des plus belles de la chrĂ©tientĂ© par sa citadelle et par ses Ă©glises. Il y eut, le mĂȘme soir de cette entrĂ©e, une grande fĂȘte au palais Ă©piscopal, un festin suivi d’un grand bal, le bal suivi d’une collation de confitures. La jeune reine eut, ce mĂȘme soir, pour la conduire, le gouverneur du chĂąteau fort. En ce temps-lĂ , Cambrai appartenait encore Ă  l’Espagne, et s’il n’eĂ»t fallu qu’un sourire, une bonne parole, pour s’emparer de ce dernier rempart de l’Espagne et donner Ă  la France une si belle citĂ©, Marguerite eĂ»t fait volontiers ce grand sacrifice. Au moins, si elle ne prit pas la ville, elle eut le grand talent de savoir comment on la pouvait prendre. Elle s’inquiĂ©ta de ses dĂ©fenses ; elle voulut connaĂźtre le nombre et la profondeur des fossĂ©s ; comment la citadelle Ă©tait gardĂ©e, et quels en Ă©taient les cĂŽtĂ©s vulnĂ©rables. A toutes ces questions, faites avec un art digne de la meilleure Ă©lĂšve de Catherine de MĂ©dicis, le gouverneur de Cambrai, qui voulait ĂȘtre agrĂ©able Ă  tout prix, eut la condescendance de rĂ©pondre. Il fit plus, il accepta la proposition que lui fit la jeune reine de l’accompagner jusqu’à Namur, et dans ce voyage, qui ne dura pas moins de douze jours, elle abattit le peu de rĂ©sistance et d’orgueil qui restaient dans l’esprit du gouverneur. Malheureusement, don Juan veillait sur toute chose. Il n’eut rien refusĂ© Ă  la belle voyageuse, mais il n’était pas homme Ă  lui donner un pouce de terrain dans les terres qui appartenaient Ă  l’Espagne. Et cependant, toutes ces villes flamandes luttaient de courtoisie. Elles Ă©taient beaucoup plus riches que les villes françaises, et d’une hospitalitĂ© vraiment royale. A Valenciennes, Marguerite admira les belles places, les belles Ă©glises, les fontaines d’eau jaillissante ; elle et sa suite furent frappĂ©es d’étonnement au carillon harmonieux de toutes ces belles horloges, dont chacune exhalait son cantique dans les airs doucement rĂ©jouis. Ces Flandres ont de tout temps excellĂ© dans ces rĂ©crĂ©ations Ă  l’usage d’une ville entiĂšre. Elles aimaient la parade publique, les jardins, les musĂ©es, la fĂȘte Ă  laquelle chacun prend sa part. Elles aimaient la justice et la gaietĂ© ; elles exĂ©craient l’Espagne et les Espagnols. Le nom de Philippe II et celui du digne exĂ©cuteur de ses terribles volontĂ©s, le duc d’Albe, retentissaient dans les cƓurs flamands comme un remords. Ils pleuraient le comte d’Egmont, dĂ©capitĂ© avec le comte de Horn, comme s’ils eussent Ă©tĂ© participants Ă  son meurtre. De ces cruels souvenirs leurs fĂȘtes Ă©taient tr oublĂ©es ; mais sitĂŽt qu’ils possĂ©dĂšrent la reine Marguerite, ces pays maltraitĂ©s oubliĂšrent, pour un instant, leur cruel ressentiment. Ce fut Ă  qui serait le plus hospitalier pour la princesse, et les plus belles Flamandes, familiĂšres et joyeuses c’est leur naturel, accoururent au-devant de l’étrangĂšre avec tant de grĂące et d’honnĂȘtetĂ©, qu’elles la retinrent pendant huit jours. L’une d’elles, la principale de la ville, nourrissait son enfant de son lait, et comme elle Ă©tait assise Ă  table Ă  cĂŽtĂ© de Marguerite, la princesse admira tout Ă  son aise la belle Flamande et le costume qu’elle portait Elle Ă©toit parĂ©e Ă  ravir et couverte de pierreries et de broderies, avec une rabille Ă  l’espagnole de toile d’or noire, avec des bandes de broderie de canetille d’or et d’argent, et un pourpoint de toile d’argent blanche en broderie d’or, avec de gros boutons de diamants habit appropriĂ© Ă  l’office de nourrice. » Ainsi faite, elle Ă©tait Ă©blouissante ; mais Ă©coutez la suite et le couronnement du festin. Quand on fut au dessert, la jeune mĂšre eut souci de son nourrisson et fit signe qu’on le lui apportĂąt. On lui apporta l’enfant, emmaillotĂ© aussi richement qu’estoit vestuĂ« la nourrice. Elle le mit entre nous deux sur la table, et librement donna Ă  teter Ă  son petit. Ce qui eust Ă©tĂ© tenu Ă  incivilitĂ© Ă  quelqu’autre ; mais elle le faisoit avec tant de grĂące et de naĂŻvetĂ©, comme toutes ses actions en Ă©toient accompagnĂ©es, qu’elle en reçut autant de louanges que la compagnie de plaisir. » Si vous aimez les tableaux flamands, en voilĂ  un tracĂ© de main de maĂźtre, avec une extrĂȘme Ă©lĂ©gance, et c’est grand dommage que dans ces Flandres, fĂ©condes en grands artistes, pas un n’ait songĂ© Ă  reproduire sur une toile intelligente un si charmant spectacle. Or, la reine Marguerite, ayant domptĂ© le gouverneur de Cambrai, vint facilement Ă  bout des dames de Mans — Comment donc, leur dit-elle, ne pas vous aimer, vous trouvant toutes françaises ? — HĂ©las ! rĂ©pondaient ces dames, nous Ă©tions Françaises autrefois ! Nous savons la France aussi bien que les Français ; nous la regrettons, nous la pleurons, mais les Espagnols sont les plus forts. Dites cela, Madame, Ă  votre frĂšre le roi de France, afin qu’il nous vienne en aide, et dites-lui que s’il fait un pas, nous en ferons deux, tant nous sommes disposĂ©s Ă  reconnaĂźtre, Ă  saluer sa couronne. Ainsi ces dames parlaient sans crainte, et conspiraient franchement, sans perdre une sarabande, une chanson. Le lendemain, Marguerite, avant son dĂ©part, s’en fut visiter un bĂ©guinage, qui est une espĂšce de couvent, composĂ© de quantitĂ© de petites maisons dans lesquelles sont Ă©levĂ©es de jeunes demoiselles par des religieuses savantes. Elles portent le voile jusqu’à vĂȘpres, et, sitĂŽt les vĂȘpres dites, elles se parent de leurs plus beaux atours, et s’en vont dans le plus grand monde, oĂč elles trouvent trĂšs bien leur place. A la fin il fallut se quitter, et Marguerite, pour reconnaĂźtre une hospitalitĂ© si libĂ©rale, distribua toutes sortes de prĂ©sents Ă  ces dames qui l’avaient si bien reçue tant de chaĂźnes, de colliers, de bracelets, de pierreries, si bien qu’elle fut reconduite jusqu’à mi-chemin de Namur, oĂč commandait un des plus vieux courtisans de la cour de Philippe II. Sur les confins de Namur, reparut don Juan d’Autriche, accompagnĂ© des seigneurs les plus qualifiĂ©s de la cour d’Espagne et d’une grande suite d’officiers et gentilshommes de sa maison, parmi lesquels Ă©tait un Ludovic de Gonzague, parent du duc de Mantoue. Il mit pied Ă  terre pour saluer l’illustre voyageuse, et quand la cortĂšge reprit sa marche, il accompagna la litiĂšre royale Ă  cheval. Toute la ville de Namur Ă©tait illuminĂ©e ; il n’était pas une fenĂȘtre oĂč les belles Françaises ne pussent lire une devise Ă  la louange de leur reine. Un palais vĂ©ritable Ă©tait prĂ©parĂ© pour la recevoir, et le moindre appartement Ă©tait tendu des plus riches tapisseries de velours, de satin, ou de toile d’argent couverte de broderies, sur lesquelles Ă©taient reprĂ©sentĂ©s des personnages vĂȘtus Ă  l’antique. Si bien que l’on eĂ»t dit que ces merveilles appartenaient Ă  quelque grand roi, et non pas Ă  quelque jeune prince Ă  marier, tel que don Juan d’Autriche. Et notez bien que la plus riche magnificence avait Ă©tĂ© rĂ©servĂ©e pour la tenture de la chambre Ă  coucher de la reine. On y voyait reprĂ©sentĂ©e admirablement la Victoire de LĂ©pante, honneur de don Juan. AprĂšs une bonne nuit, oĂč les enchantements de ce voyage apparaissaient en rĂȘve, la reine se leva et, sa toilette Ă©tant faite, elle s’en fut ouĂŻr une messe en musique Ă  l’espagnole, avec violons, violes de basse et trompettes. AprĂšs la messe, il y eut un grand festin ; Marguerite et don Juan Ă©taient assis Ă  une table Ă  part. Toute l’assemblĂ©e en habits magnifiques ; dames et seigneurs dĂźnaient Ă  des tables sĂ©parĂ©es de la table royale, et l’on vit ce mĂȘme Ludovic de Gonzague Ă  genoux aux pieds de don Juan et lui servant Ă  boire. Ah ! tels Ă©taient l’orgueil et le faste de ces princes espagnols, que mĂȘme les princes illĂ©gitimes Ă©taient traitĂ©s comme des rois. Ainsi, deux journĂ©es se passĂšrent dans les fĂȘtes de la nuit et du jour, pendant que l’on prĂ©parait les bateaux qui, par la douce riviĂšre de Meuse, une suite de frais paysages, devaient conduire jusqu’à LiĂšge la re ine de Navarre. Elle marcha, jusqu’au rivage, sur un tapis aux armes de don Juan. Le bateau qui la reçut Ă©tait semblable Ă  la galĂšre de ClĂ©opĂątre, au temps fabuleux de la reine d’Égypte. Autour de ce riche bateau, que la riviĂšre emportait comme Ă  regret, se pressaient des barques lĂ©gĂšres, toutes remplies de musiciens et de chanteurs, qui chantaient leurs plus belles chansons, avec accompagnement de guitares et de hautbois. Dans ces flots hospitaliers, clairs et limpides, oĂč le soleil brillait de son plus vif Ă©clat, une Ăźle, en façon de temple, mais d’un temple soutenu par mille colonnes, arrĂȘta soudain cette brillante fĂ©erie. Alors recommencĂšrent les danses et les festins de plus belle, et voilĂ  comment ils arrivĂšrent Ă  LiĂšge, oĂč monseigneur l’évĂȘque avait donnĂ© des ordres pour recevoir dignement les hĂŽtes du seigneur don Juan d’Autriche. Mais, Ă  peine arrivĂ©e dans cette ville hospitaliĂšre, Marguerite essuya comme une tempĂȘte. On eĂ»t dit que le dĂ©luge Ă©tait dĂ©chaĂźnĂ© sur le rivage et dans les rues, et la peur fut si grande, que Mlle de Tournon, l’une des demoiselles d’honneur, non pas la moins belle et la moins charmante, expira de fatigue et de terreur. C’est trĂšs vrai nulle joie, ici-bas, sans mĂ©lange. Il faut que chacun paye Ă  son tour les prospĂ©ritĂ©s de son voyage, et ce fut un grand deuil pour Marguerite. Elle resta trois jours enfermĂ©e en son logis ; mais quand elle eut bien pleurĂ© sa chĂšre compagne, elle consentit que l’évĂȘque de LiĂšge la vĂźnt saluer dans la maison qu’il avait fait prĂ©parer pour la recevoir. Cet Ă©vĂȘque Ă©tait un prince souverain, de bonne mine et bien fait de sa personne. Il portait de la plus agrĂ©able façon la couronne et la mitre, le sceptre et l’épĂ©e ou le bĂąton pastoral. Il Ă©tait magnifique en toute chose, et marchait entourĂ© d’un chapitre Ă  ce point distinguĂ© que les moindres chanoines Ă©taient fils de ducs, de comtes et de grands seigneurs, comme on n’en voyait que dans les grandes Ă©glises des chanoines-comtes de Lyon. Chacun des chanoines de LiĂšge habitait un palais dans quelqu’une de ces rues grandes et larges, ou sur ces belles places ornĂ©es de fontaines. Le palais Ă©piscopal Ă©tait un Louvre, oĂč le prince-Ă©vĂȘque avait rĂ©uni les chefs-d’Ɠuvre de l’école flamande et les plus belles toiles de l’école italienne. Il Ă©tait grand amateur de jardins ; ses jardins Ă©taient peuplĂ©s de statues. AprĂšs trois jours de fĂȘtes vraiment royales, la jeune reine songea enfin Ă  prendre le chemin de Spa. Spa, qui est aujourd’hui une ville arrangĂ©e et bĂątie Ă  plaisir, lieu cĂ©lĂšbre et charmant, le rendez-vous des fĂȘtes de l’étĂ©, une source oĂč tout jase, un bois oĂč tout chante, n’était guĂšre, en ce temps-lĂ , qu’un lieu sauvage et sans nom, composĂ© de deux ou trois cabanes oĂč les buveurs d’eau s’abritaient Ă  grand’peine. Un forgeron du pays avait dĂ©couvert le premier, par sa propre expĂ©rience, la vertu de ces eaux salutaires. Il les avait cĂ©lĂ©brĂ©es de toutes ses forces ; mais le moyen de coucher Ă  la belle Ă©toile ? Et voilĂ  pourquoi cette heureuse ville de Spa, la citĂ© favorite de la Belgique, a gardĂ© prĂ©cieusement dans ses annales le souvenir de la reine Marguerite, non moins qu’une reconnaissance extrĂȘme pour ce terrible et singulier gĂ©nie appelĂ© Pierre le Grand, qui s’en vint, deux siĂšcles plus tard, demander Ă  la fontaine du Pouhon quelques heures de sommeil et de rafraĂźchissement. Mais dans l’état misĂ©rable de ce pays et de cette forĂȘt des Ardennes, oĂč les loups avaient choisi leur domicile, un Ă©vĂȘque aussi galant homme, aussi bien Ă©levĂ© que l’évĂȘque de LiĂšge, ne pouvait pas consentir qu’une reine de Navarre, en si belle compagnie, acceptĂąt les obstacles, les pĂ©rils, l’isolement, les ennuis de ces tristes contrĂ©es. En vain la magnificence de ces bois sĂ©culaires, le murmure enchanteur de ces frais ruisseaux, le flot mystĂ©rieux de ces ondes charmantes, pleines de fĂ©conditĂ©, de santĂ©, d’espĂ©rance, attiraient Ă  leur charme infini ces belles voyageuses, la grĂące et l’ornement de la maison de Valois... La reine Marguerite et la princesse de la Roche-sur-Yon, qui n’étaient pas trĂšs Ă©prises de l’élĂ©gie et de l’idylle champĂȘtre, eurent bientĂŽt consenti Ă  la proposition que leur faisait Sa GrĂące Mgr l’évĂȘque de LiĂšge. Il proposait que ces dames, une ou deux fois par semaine, iraient Ă  cheval s’abreuver aux claires fontaines, et que, le reste du temps, la fontaine irait elle-mĂȘme au-devant des buveuses d’eau. AussitĂŽt que le bruit se rĂ©pandit du sĂ©jour de ces dames françaises, on vit accourir Ă  LiĂšge, de la frontiĂšre des Flandres et mĂȘme du fond de l’Allemagne, les dames les plus qualifiĂ©es, et ces rĂ©unions, toutes pleines d’honneur et de joie, ont laissĂ© dans la province un tel souvenir, qu’elle s’en souvient encore. Ainsi, la reine Marguerite oublia la mort subite de cette aimable Mlle de Tournon, sa douce compagne ! et ce jeune corps, aussi malheureux qu’innocent et glorieux, fut rapportĂ© dans sa patrie en un drap blanc couvert de fleurs. » Chaque matin, qu’elle se rendit Ă  Spa, ou qu’elle bĂ»t les eaux dans les jardins de l’évĂȘchĂ© lesquelles eaux veulent ĂȘtre tracassĂ©es et promenĂ©es en disant des choses rĂ©jouissantes, la reine allait en bonne compagnie. Elle Ă©tait chaque jour invitĂ©e Ă  quelque festin ; aprĂšs le dĂźner, elle allait entendre les vĂȘpres en quelque maison religieuse ; puis la musique et le bal pendant six semaines. C’est le temps d’une cure ; au bout de six semaines, la santĂ© est revenue. Il fallut donc repartir, mais en six semaines, dĂ©jĂ , que de changements dans la province ! Elle Ă©tait Ă  feu et Ă  sang ; le galant don Juan d’Autriche s’était emparĂ© de Namur et des meilleurs seigneurs de la province. Alors, un grand conflit entre les catholiques de Flandre et les huguenots du prince d’Orange. Or, nĂ©cessairement, il fallait traverser toute cette bagarre, en danger d’ĂȘtre prise par l’un ou l’autre parti. Cette fois encore apparut l’évĂȘque de LiĂšge ; il protĂ©gea jusqu’à la fin les dames dont il avait Ă©tĂ© l’hĂŽte assidu. Il leur donna, pour les accompagner, son grand maĂźtre et ses chevaux ; mais ces damnĂ©s parpaillots manquaient tout Ă  fait de courtoisie. Ils prĂ©tendirent que la reine ne pouvait pas rentrer en France avant d’avoir payĂ© toutes ses dettes. Ils niĂšrent Ă  l’évĂȘque de LiĂšge le droit de signer des passeports. On crie Aux armes ! sur le passage de la reine, aux mĂȘmes lieux oĂč naguĂšre on criait Vive la reine ! Ces mĂȘmes portes des villes qui s’ouvraient devant elle Ă  son arrivĂ©e se fermaient brutalement Ă  son retour. Cependant rien n’arrĂȘtait la jeune reine ; elle se savait Ă©loquente, et parlait Ă  la multitude, apaisant celui-ci, souriant Ă  celui-lĂ , Ă©galement inquiĂšte des Allemands, des Espagnols, des huguenots, de ce mĂȘme don Juan, naguĂšre empressĂ© comme un amoureux autour de sa fiancĂ©e. O peines du voyage ! et cependant la dame avait rĂ©solu de rejoindre en toute hĂąte la cour de Navarre, mais non pas sans avoir saluĂ© son frĂšre, le roi de France. Or, laissant lĂ  sa litiĂšre, elle monte Ă  cheval et s’en va, par des chemins dĂ©tournĂ©s, frapper aux portes de Cambrai. La ville hospitaliĂšre accueillit la f ugitive, et bientĂŽt Ă  Saint-Denis mĂȘme, et sur le seuil de la grande basilique oĂč l’abbĂ© Suger a laissĂ© tant de souvenirs, le roi, la reine et toute la cour de France accoururent au-devant de Madame Marguerite. On lui fit raconter, Dieu le sait, toutes les merveilles de son voyage, et quand elle vit le roi son frĂšre en si belle humeur, elle lui demanda la permission de rejoindre enfin le roi son mari, en le priant de lui constituer une dot, et promptement, tant elle avait hĂąte de se rendre Ă  son poste naturel. Pendant six grands mois elle renouvela sa priĂšre Attendons ! » disait la reine mĂšre ; et Patientons ! » disait la roi. Il se mĂ©fiait de tout le monde, et quand sa sƓur lui demandait d’oĂč lui venaient ces craintes et ces doutes, il rĂ©pondait gravement que les simples mortels n’avaient pas le droit de demander aux rois, non plus qu’aux dieux, les motifs de leurs dĂ©cisions. Or, toutes ces brouilleries finissaient toujours par cet ordre absolu Ma fille, allez vous parer pour le souper et pour le bal. » Depuis que le roi de Navarre s’était Ă©chappĂ© du Louvre, les portes du Louvre Ă©taient gardĂ©es si curieusement que pas un n’en passait le seuil qu’on ne le regardĂąt au visage. Aussi bien, lorsque, aprĂšs six mois de patience et de promesses non tenues, la jeune reine eut rĂ©solu de s’échapper du Louvre, elle se fit apporter en secret un cĂąble qui plongeait de sa fenĂȘtre dans le fossĂ© du chĂąteau, et, par une nuit sombre, un soir que le roi ne soupait point et que la reine mĂšre soupait seule en sa petite salle, la reine Marguerite se mit au lit, entourĂ©e de ses dames d’honneur, et tout de suite, aprĂšs qu’elles se furent retirĂ©es, elle allait descendre, Ă  tout hasard. Heureusement, un surveillant du chĂąteau arrĂȘta cette belle fuite, et la reine mĂšre, touchĂ©e enfin par tant d’obstination, consentit Ă  doter sa fille et Ă  la rendre Ă  son mari, Ă  condition qu’elle maintiendrait la paix entre les deux royaumes. Ah ! comme elle respira librement lorsqu’elle vit accourir le roi de Navarre au-devant d’elle, accompagnĂ© des seigneurs et gentilshommes de la religion de Gascogne ! Ainsi, l’un et l’autre, ils se rendirent Ă  petites journĂ©es dans le chĂąteau de Pau, en BĂ©arn, en pleine religion rĂ©formĂ©e, et ce fut Ă  peine si la reine Marguerite obtint la permission d’entendre la messe avec quatre ou cinq catholiques. Il fallait, dans ces grands jours, fermer les portes du chĂąteau, tant les catholiques de la contrĂ©e Ă©taient dĂ©sireux d’assister au saint sacrifice, dont ils Ă©taient privĂ©s depuis si longtemps. Ainsi, fanatisme et cruautĂ© des deux parts ; mĂȘme on ne saurait croire Ă  quel point le BĂ©arnais poussait la rigueur jusqu’à chasser Ă  coups de hallebarde ses malheureux sujets catholiques pour avoir assistĂ© Ă  la messe de leur reine. Il y avait cependant un parlement Ă  Pau ; mais c’était un parlement huguenot, qui donna tort Ă  la reine quand elle se plaignit des procĂ©dĂ©s du roi son mari. C’était bien la peine, en effet, de l’ĂȘtre venue chercher de si loin ! Il supportait pĂ©niblement la prĂ©sence de sa jeune Ă©pouse, et finit par la relĂ©guer Ă  NĂ©rac, oĂč elle rencontra, belle, intelligente et bienveillante aussi, sa belle-sƓur, la princesse Catherine, amie et confidente du roi son frĂšre. Or Catherine Ă©tait une grande Ăąme, affable et juste, aimant la libertĂ© de conscience autant qu’elle aimait la belle compagnie. On ferait un charmant rĂ©cit de ces deux cours de NĂ©rac, de ces deux religions vivant l’une Ă  cĂŽtĂ© de l’autre, en toute courtoisie. Et chaque dimanche, aprĂšs le prĂȘche, aprĂšs la messe, huguenots et catholiques se promenaient ensemble, et se donnaient la main, dans un trĂšs beau jardin, par de longues allĂ©es de lauriers et de cyprĂšs, le long d’une belle riviĂšre, et le soir, ces dames et ces messieurs, rĂ©unis par la religion du plaisir, dansaient ensemble. On dirait d’un conte de fĂ©es. Mais quoi ! ces haines n’étaient qu’endormies. La guerre civile et religieuse Ă©tait recouverte Ă  peine sous des cendres brĂ»lantes. Le marĂ©chal de Biron, Ă  la tĂȘte des soldats du roi catholique, enlevait au roi huguenot les meilleures places de son royaume de Navarre. Ah ! Sire, Ă©crivait la reine Marguerite au roi de France, retenez le marĂ©chal de Biron, Ă©pargnez notre petite cour de NĂ©rac, commandez Ă  vos capitaines de respecter ma belle-sƓur, Madame Catherine... » Elle prĂȘchait dans le dĂ©sert. Henri de Navarre et le marĂ©chal de Biron se battaient tout le jour et tous les jours. Le canon avait peine Ă  respecter le chĂąteau dans lequel s’étaient rĂ©fugiĂ©es toutes ces belles jeunesses ; enfin ce n’était pas le compte du roi de France d’accorder la pais au roi de Navarre, qui, du reste, ne la demandait guĂšre. Ainsi, chaque jour diminuait pour Madame Marguerite l’amitiĂ© et les bons souvenirs du roi son frĂšre, pendant que le roi son mari oubliait sa jeune Ă©pouse. HĂ©las ! le roi Charles IX l’avait bien dit En donnant ma sƓur Margot au prince de BĂ©arn, je la donne au plus infidĂšle de tous les hommes. » Quelle diffĂ©rence entre ces deux femmes Catherine de Bourbon et Marguerite de Valois ! Catherine avait foi dans les destinĂ©es de son frĂšre ; elle ne voyait rien de plus rare et de plus grand que son courage ; elle a consacrĂ© sa vie entiĂšre Ă  la grandeur naissante de cette maison de Bourbon, que la trahison du connĂ©table de Bourbon avait rĂ©duite Ă  des proportions si misĂ©rables. Ainsi, Catherine de Navarre est morte Ă  la peine, en se glorifiant d’avoir tant contribuĂ© Ă  l’établissement de la royautĂ© française. Au contraire, Marguerite est un obstacle aux vastes projets de son maĂźtre et seigneur, marchant Ă  la conquĂȘte du royaume de France. Au moment oĂč le BĂ©arnais avait besoin de toutes ses forces, elle cherche Ă  se composer un petit royaume Ă  son usage personnel, et lorsque enfin Paris ouvre ses portes au roi victorieux, lorsqu’il est rentrĂ© dans le sein de l’Église catholique, le roi cherche en vain la reine sa compagne. La France l’avait dĂ©jĂ  oubliĂ©e. Elle Ă©tait Valois, la France entiĂšre Ă©tait Bourbon. Cependant le nouveau roi de France aspirait au bonheur d’un mariage rĂ©gulier. Il avait dĂ©cidĂ© qu’il laisserait son sceptre Ă  des hĂ©ritiers lĂ©gitimes, et il commandait, plus qu’il ne sollicitait, un divorce devenu nĂ©cessaire. HĂ©las ! en ce moment, la reine Marguerite comprit enfin dans quel abĂźme elle Ă©tait tombĂ©e. Elle vit toute l’étendue de sa peine, et l’incomparable majestĂ© de cette couronne, qui allait ĂȘtre encore une fois la premiĂšre entre toutes les couronnes de l’Europe. Et si profonde, en effet, cette chute apparaissait aux regards du monde entier, que lorsque la reine infortunĂ©e eut consenti au divorce, Henri IV fut le premier Ă  la prendre en pitiĂ©. Son cƓur Ă©tait bon, autant que son Ăąme Ă©tait grande. Au moment de se sĂ©parer de cette Ă©pouse qu’il avait prise, Ă©clatante et superbe, en sa dix-huitiĂšme annĂ©e, au milieu des fĂȘtes et des pĂ©rils de tout genre, Ă  la veille de la Saint-BarthĂ©lemy, d’abominable mĂ©moire, il revit d’un coup d’oeil toute sa jeunesse Ă©coulĂ©e ; tant de grĂące, de dĂ©vouement, de charme enfin, lui revinrent en mĂ©moire, et il se prit Ă  pleurer sur les ruines de ce mariage acceptĂ© sous de si tristes auspices. O malheureuse Marguerite ! s’écriait le bon sire, il fallait donc que nous en vinssions Ă  cette sĂ©paration, aprĂšs avoir partagĂ© tant de pĂ©rils, tant d’illustres aventures, et de si beaux jours ! Et j’en atteste ici Dieu lui-mĂȘme, il n’a pas tenu que de moi qu’elle ne fĂ»t reine de France Ă  mon cĂŽtĂ©, mais elle n’a pas voulu m’obĂ©ir et me servir. » Ainsi fut prononcĂ© le divorce. Voyez cependant l’inconstance et le changement d’un esprit futile et primesautier ! SitĂŽt qu’elle eut renoncĂ© aux espĂ©rances d’un si beau trĂŽne, la reine Marguerite ressentit un dĂ©sir invincible de revoir la France et Paris, et ce grand roi dont elle n’était plus l’épouse. En vain, ses conseillers lui disaient Prenez garde, il ne faut pas dĂ©plaire au roi, votre maĂźtre ; attendez son ordre et tenez vous Ă  distance... » Elle n’obĂ©it qu’à sa passion du moment, et, sans permission du roi son maĂźtre, elle fit dans Paris une entrĂ©e royale. Elle Ă©tait belle encore, et la ville entiĂšre, Ă  la revoir, reconnut cette beautĂ© qu’elle avait adorĂ©e. Elle eĂ»t frappĂ© aux portes du Louvre des rois ses aĂŻeux, les portes du Louvre se seraient ouvertes d’elles-mĂȘmes... Elle n’alla pas si loin. Elle s’était bĂąti, avec une prĂ©voyance assez rare, une belle maison sur les bords de la Seine, au milieu de jardins magnifiques, et dans cette maison faite Ă  son usage elle avait entassĂ©, curieuse et connaisseuse en toutes choses, les plus rares et les plus exquises merveilles de ces arts singuliers dont le goĂ»t du roi Henri III fut la derniĂšre expression. A peine installĂ©e en ce lieu charmant, la reine Marguerite eut une cour brillante, non pas tant de soldats et de capitaines ceux-lĂ  se pressaient autour du BĂ©arnais, mais de beaux esprits, de poĂštes, d’historiens, de causeurs, attirĂ©s par la grĂące et l’enchantement de cette aimable dĂ©couronnĂ©e. Il y vint un des premiers, le roi Henri IV ; il s’amusait Ă  ces fĂȘtes brillantes ; il se plaisait Ă  ces surprises si bien mĂ©nagĂ©es. Il disait que toute la peine Ă©tait au Louvre et tout le plaisir chez la reine Marguerite. Elle avait le grand art de plaire ; elle plaisait, mĂȘme sans le vouloir. Henri IV la trouvait charmante, Ă  prĂ©sent qu’il n’était plus son mari. M. de Sully, plus prĂ©voyant, rĂ©sistait Ă  ces belles grĂąces, et quand la reine se plaignait des froideurs du premier ministre Il vous trouve un peu dĂ©pensiĂšre, disait le roi, et nous avons tant besoin d’argent !— Nous autres Valois, disait la reine en relevant sa tĂȘte fiĂšre, nous aimons la dĂ©pense et nous sommes prodigues.— Nous autres Bourbons, rĂ©pondait le roi, nous aimons l’économie et nous sommes avares. » Il croyait rire, il disait juste. Ces princes de la maison de Valois Ă©taient splendides en toutes choses, hormis ce qui les concernait personnellement ; les princes de la maison de Bourbon sentaient l’épargne. Mais la reine Marguerite laissait gronder M. de Sully et redoublait de magnificence. Henri, pour elle, Ă©tait prodigue. On voyait qu’il ne pouvait guĂšre se passer de cet aimable rendez-vous des belles causeries, des fĂȘtes intimes, de la musique et de tous les arts. Ainsi, par un bonheur bien rare, les fautes mĂȘmes de la reine Marguerite de Navarre ont fini par contribuer Ă  sa gloire. Elle eut ce grand mĂ©rite, Ă©tant la fille d’une reine sanguinaire et tenant de si prĂšs au roi Charles IX, d’ĂȘtre bonne et clĂ©mente. Elle haĂŻssait d’instinct tous ces crimes d’État qu’elle avait entrevus dans ces ombres et dans ces fĂȘtes sanglantes. Plus d’une fois, ce grand roi Henri, comme il Ă©tait au comble des prospĂ©ritĂ©s et de la gloire, heureux partout, moins heureux dans son mĂ©nage, alla frapper Ă  la porte de sa premiĂšre Ă©pouse, en la priant de le ramener aux premiĂšres journĂ©es pleines d’aurore et d’espĂ©rance. Ah ! c’était lĂ  le bon temps [1] ; ils Ă©taient pauvres, ils Ă©taient en butte aux soupçons d’un roi jaloux, d’une reine impĂ©rieuse et d’une mĂšre implacable. Ils avaient assistĂ©, dans une nuit d’épouvante, au massacre de tous leurs amis, A grand’peine ils s’étaient enfuis de ce Louvre dont on leur faisait une prison, ils avaient menĂ© la vie errante, Ă  travers mille dangers... Tels Ă©taient leurs discours Ă  chaque rencontre, et toujours ils finissaient par se dire Ah ! c’était le bon temps. » ===VII.=== Lorsqu’en 1610 la reine Marie de MĂ©dicis sollicita les honneurs du sacre, le roi Henri IV s’en vint chez Marguerite, et par tant de priĂšres et de bonnes paroles il obtint de la femme divorcĂ©e qu’elle assisterait au sacre de la reine. Elle fit d’abord une certaine rĂ©sistance, et bientĂŽt, si vive Ă©tait sa croyance en sa propre beautĂ©, elle accueillit l’invitation du roi son maĂźtre par un sourire, et l’on vit des vieillards de cent ans l’ont racontĂ© plus tard au cardinal de Richelieu la foule, attentive Ă  ces grandes cĂ©rĂ©monies d’un couronnement et d’un sacre, oublier la reine rĂ©gnante pour la reine disgraciĂ©e. Ce fut dans l’antique mĂ©tropole de Saint-Denis que s’accomplit l’auguste cĂ©rĂ©monie. On y vit toute la cour dans son plus magnifique appareil. Le cardinal de Joyeuse eut l’honneur de poser la couronne de France sur la tĂȘte de cette future grand’mĂšre de Louis XIV. La reine avait Monseigneur le Dauphin Ă  sa droite, et Madame, fille du roi, Ă  sa gauche. La traĂźne de la robe royale Ă©tait portĂ©e par la princesse de Montpensier, la princesse de CondĂ©, la princesse de Conti, le duc de VendĂŽme tenant le sceptre, et le chevalier de VendĂŽme la main de justice. Le roi, dans une tribune, assistait Ă  cette fĂȘte... Tous les regards se portĂšrent, au mĂȘme instant, sur la reine divorcĂ©e. On eĂ»t dit qu’elle Ă©tait la couronnĂ©e. Elle portait l’éventail comme un sceptre, et quand elle traversa cette illustre basilique de Saint-Denis, le peuple entier s’inclina devant cette ombre Ă©clatante et sereine de la maison de Valois. Le lendemain, le 14 mai 1610, Henri le Grand, le seul roi dont le peuple ait gardĂ© la mĂ©moire, tombait sous le couteau de Ravaillac ! Le monde entier pleura ce grand homme. Au milieu de l’universelle dĂ©solation se distingua la reine Marguerite par sa profonde et sincĂšre douleur. La reine sacrĂ©e et lĂ©gitime, Marie de MĂ©dicis elle-mĂȘme, a versĂ© des larmes moins sincĂšres sur le trĂ©pas de ce hĂ©ros, dont elle n’était pas digne. Elle se consola beaucoup plus vite que la petite reine. Enfin, cinq ans aprĂšs la mort du roi, la dĂ©solĂ©e et repentante Marguerite de Navarre elles finissent toutes par une mort chrĂ©tienne rendait son Ăąme Ă  Dieu, le 27 mars 1615. A l’ñge de soixante-trois ans qu’elle pouvait avoir, elle avait gardĂ© ce beau visage, oĂč toutes les majestĂ©s de la vie humaine et tous les bonheurs de la jeunesse, unis au bel esprit, avaient laissĂ© leur douce et sĂ©rieuse empreinte. Elle fut enterrĂ©e Ă  Saint-Denis, dans le tombeau des rois. ↑ Le lecteur ne pourra guĂšre s’empĂȘcher de trouver singuliĂšre cette qualification appliquĂ©e Ă  une telle Ă©poque. Si Henri pouvait avec quelque raison regretter sa premiĂšre Ă©pouse, il Ă©tait difficile nĂ©anmoins de trouver bon le temps que les horreurs de la guerre civile, sous les derniers Valois, ont si terriblement gĂątĂ© ».
Etvoilà le roi et la reine Et voilà la reine et le roi. Imprimer l'activité A lire aussi. 26/11/2018. La Reine des Neiges 2 : on connaßt enfin la date de sortie ! Vidéo - Replay - MÎmes Part en Live - couronne des rois ; Epiphanie : définition; Compter les parts de galette ; Fabriquer une couronne avec une assiette en carton; Melchior et Balthazar; Auteur : La rédaction de
7 Le roi et Haman allĂšrent au festin chez la reine Esther. 2 Ce second jour, le roi dit encore Ă  Esther, pendant qu'on buvait le vin Quelle est ta demande, reine Esther? Elle te sera accordĂ©e. Que dĂ©sires-tu? Quand ce serait la moitiĂ© du royaume, tu l'obtiendras. 3 La reine Esther rĂ©pondit Si j'ai trouvĂ© grĂące Ă  tes yeux, ĂŽ roi, et si le roi le trouve bon, accorde-moi la vie, voilĂ  ma demande, et sauve mon peuple, voilĂ  mon dĂ©sir! 4 Car nous sommes vendus, moi et mon peuple, pour ĂȘtre dĂ©truits, Ă©gorgĂ©s, anĂ©antis. Encore si nous Ă©tions vendus pour devenir esclaves et servantes, je me tairais, mais l'ennemi ne saurait compenser le dommage fait au roi. 5 Le roi AssuĂ©rus prit la parole et dit Ă  la reine Esther Qui est-il et oĂč est-il celui qui se propose d'agir ainsi? 6 Esther rĂ©pondit L'oppresseur, l'ennemi, c'est Haman, ce mĂ©chant-lĂ ! Haman fut saisi de terreur en prĂ©sence du roi et de la reine. 7 Et le roi, dans sa colĂšre, se leva et quitta le festin, pour aller dans le jardin du palais. Haman resta pour demander grĂące de la vie Ă  la reine Esther, car il voyait bien que sa perte Ă©tait arrĂȘtĂ©e dans l'esprit du roi. 8 Lorsque le roi revint du jardin du palais dans la salle du festin, il vit Haman qui s'Ă©tait prĂ©cipitĂ© vers le lit sur lequel Ă©tait Esther, et il dit Serait-ce encore pour faire violence Ă  la reine, chez moi, dans le palais? DĂšs que cette parole fut sortie de la bouche du roi, on voila le visage d'Haman. 9 Et Harbona, l'un des eunuques, dit en prĂ©sence du roi Voici, le bois prĂ©parĂ© par Haman pour MardochĂ©e, qui a parlĂ© pour le bien du roi, est dressĂ© dans la maison d'Haman, Ă  une hauteur de cinquante coudĂ©es. Le roi dit Qu'on y pende Haman! 10 Et l'on pendit Haman au bois qu'il avait prĂ©parĂ© pour MardochĂ©e. Et la colĂšre du roi s'apaisa. Jouerau roi et Ă  la reine qui ordonnent Ă  leurs sujets de maniĂšre polie ou autoritaire en utilisant plusieurs structures grammaticales. Le matĂ©riel Ă  disposition : Dans le bloc À tĂ©lĂ©charger , Ă  gauche, vous trouverez : la fiche du prof avec le dĂ©roulement de la sĂ©quence pĂ©dagogique, la fiche d’activitĂ©s et la transcription de l’extrait sonore. PubliĂ© le jeudi 18 Novembre 2021 Ă  10h46 Le Roi Philippe et la Reine Mathilde sont Ă  Spa ce jeudi matin, Ă  l’occasion du centiĂšme anniversaire de l’usine de Spa Monopole et de l’eau minĂ©rale Spa Reine. Visite de prestige ce jeudi 18 novembre Ă  Spa. Le Roi Philippe et la Reine Mathilde sont prĂ©sents dans la Ville d’Eaux depuis 10 heures environ. Une visite royale organisĂ©e Ă  l’occasion des 100 ans de l’usine de Spa Monopole et de l’eau minĂ©rale naturelle SPA Reine. AprĂšs un passage Ă  la salle des FĂȘtes du Casino, en compagnie du gouverneur HervĂ© Jamar et de la bourgmestre Sophie Delettre oĂč ils ont discutĂ© de la reconnaissance de la Ville d’eau au patrimoine mondial de l’Unesco, les souverains se sont rendus chez Spa Monopole, l’entreprise qui produit et commercialise notamment les eaux et boissons de la marque Spa. AprĂšs avoir visitĂ© le musĂ©e qui retrace l’histoire de l’entreprise et ce siĂšcle d’existence, les souverains ont eu l’occasion de visiter la ligne de production et d’échanger quelques mots avec les travailleurs. Une aubaine pour le personnel de l’entreprise qui est fournisseur officiel de la cour. AprĂšs cette visite, le couple royal s’est rendu au domaine de BĂ©rinzenne oĂč il a prĂ©sidĂ© une rĂ©union de travail sur la gestion durable de l’eau, la protection des ressources en eau et la biodiversitĂ©. La ministre wallonne de l’Environnement, CĂ©line Tellier, et des experts dans les domaines de la protection de l’environnement et de la biodiversitĂ©, participaient Ă©galement Ă  cette rĂ©union. Spadel a profitĂ© de l’occasion pour mettre en avant ses initiatives en termes de biodiversitĂ©. La visite royale et le briefing de presse seront l’occasion de mettre Ă  l’honneur une entreprise familiale, belge et indĂ©pendante qui, depuis 100 ans, a pu compter sur des hommes et des femmes de grande qualitĂ© pour s’imposer comme l’un des fleurons de l’économie belge. Une entreprise qui a toujours Ă©tĂ© Ă  la pointe en matiĂšre d’innovation et de durabilitĂ© et qui est bien dĂ©cidĂ©e Ă  continuer Ă  proposer aux consommateurs des produits locaux, sains, neutres en carbone et respectueux de l’environnement », annonce l’entreprise. . 364 135 243 166 224 605 26 516

et voila le roi et la reine